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              génisse et le pythagoricien ou l'étrange plaidoyer pour la restitution des frontières 
              enlevées à Europe
 Je 
              voudrais vous dire les sensations que j'ai éprouvées 
              et que j'ai recueillies auprès de mes amis. Au-delà 
              des métamorphoses, j'ai vu le jeu avec la perméabilité 
              des frontières : celle des deux côtés de la 
              scène (matière inédite à la fois épaisse 
              et aérée) ; celle des espèces avec les hommes-reptiles 
              et celle des genres sexuels avec Clément et Jean-Baptise, 
              superbes images de maternité et de femme trahie. Plus encore 
              que la frontière, le passage de l'inertie à l'animation 
              provoqué par le désir pudique et ardent de Pascal-Pygmalion 
              et incarné par Maud, vamp insaisissable, qui magnifie cette 
              étincelle de vie, ce mirage de l'artiste. La brièveté 
              de son apparition fait d'elle la plus juste Galatée, née 
              du désir de l'homme et aussi vite évanouie que le 
              désir de l'homme, pire, de l'homme-artiste.  La cohabitation de deux personnages en un tient certainement de 
              la borderline qu'Acétès a franchie en se dédoublant 
              et en alternant, sous le joug d'une ondulation organique, l'unité 
              rassurante et l'angoisse du discours et de son écho ; comme 
              Maud-Junon, traditionnellement fière mais ici possédée 
              par l'ivresse, s'abandonnant à une introspection (de nouveau 
              l'écho ?) falsifiée par l'alcool.
 La non étanchéité des frontières se 
              manifeste enfin par la juxtaposition du discours savant et de la 
              farce, de la science et de l'art et (j'ose) celle du verbe et de 
              la musique accidentée, contaminée, régénérée. 
              Eclatement des frontières musicales : humaine, mécanique 
              et électronique ; et de celle, habituellement si protégée, 
              de la réalité et du théâtre, grâce 
              à François dont on ne sait plus la nature : personnage, 
              narrateur, double de l'auteur, ou encore admoniteur, celui qui appartient 
              à la représentation mais qui, avec bienveillance, 
              guide le spectateur sur scène (dans la peinture, souvent 
              l'autoportrait de l'artiste ou Jean-François-Bacchus).
 Moi, je ne boude pas le réel plaisir que j'ai eu à 
              découvrir Ovide sous cet angle court-circuité et réinjecté 
              de magie théâtrale : affinité élective 
              du texte et du jeu.
 Merci 
              à tous,Anne Lafont, historienne de l'art
 Samedi 7 décembre 2002.
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